En France, les agences d’urbanisme constituent un cas exceptionnel d’outil commun aux collectivités locales et à l’État. Nées dans la foulée de l’expérience du Schéma directeur de la Région Parisienne (le SDAURP, 1965), puis de la Loi d’Orientation Foncière (LOF, 1967), les agences d’urbanisme ont un profil original : elles furent en général intercommunales, même lorsque les institutions intercommunales n’existaient pas encore ; ce fût le cas à Grenoble. Elles étaient censées à l’origine traduire dans les faits l’ambition initiale de la LOF de développer la « fonction d’étude urbaine » et pallier le sous-équipement des collectivités locales en équipes techniques. On est loin aujourd’hui de cette préoccupation première et la vocation des agences a considérablement évolué.

Depuis leur création, les missions des agences et leur positionnement sur les scènes locales n’ont cessé d’évoluer. Quelques grandes périodes semblent se dégager. Celle qui court des années 1970 jusqu’au début /milieu des années 1980 d’abord, pendant laquelle les agences jouent un rôle d’intermédiation entre l’État et les collectivités territoriales, par le biais de la réalisation des Schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) et des Plans d’occupation des sols (POS) voulus par la LOF, et de la déclinaison à l’échelle locale des grandes politiques initiées au plan national. Ces deux exercices constituent alors certes l’essentiel de leurs activités, en réalité bien plus foisonnantes et larges. Puis, du milieu des années 1980 à la fin des années 1990, les agences se présentent comme les « promotrices » de l’intercommunalité et comme les outils techniques des agglomérations, ce qui correspond d’ailleurs à l’avènement formel de l’intercommunalité. 

Elles se lancent par exemple dans des démarches de prospective territoriale qui leur permettent d’adopter un rôle d’éclaireur et de lieu de diffusion d’une nouvelle culture stratégique de la planification urbaine. Dans les années 2000, les agences mettent en avant l’outil de gouvernance urbaine qu’elles incarneraient à travers un travail d’harmonisation des politiques publiques sur le temps long, d’animation, d’anticipation et de force de propositions. Elles se veulent alors les garantes de la cohérence des différents documents d’urbanisme et politiques sectorielles menées à l’échelle de leurs territoires et au-delà. 
Depuis le milieu des années 2010, dans un contexte d’évolutions institutionnelles et législatives majeures, mais aussi de grandes mutations de nos sociétés, les agences, et celle de la région grenobloise en particulier, entament une nouvelle mue. Elles interviennent sur des territoires très diversifiésau cœur des enjeux, dans une vision « inter échelles » moins strictement technique et plus stratégique.

Au delà des enjeux de transition, loin d’être des organismes figés, ce sont au contraire des organismes en mouvement et en veille permanents, qui accompagnent les grandes évolutions ; à la fois outils mémoire et prospectif, les agences offrent aux acteurs territoriaux un espace de dialogue, de partage de connaissance et d’expérience qui répond au besoin d’interagir à l’échelle des bassins de vie et de services.

 

Cf. Les agences d’urbanisme en France, Métropoles, 2008

Entre le contexte législatif, les collectivités et l’Agence, toute une histoire...

1967 

Loi d’orientation foncière (LOAF) et naissance de l’AUAG (Agence d’urbanisme de l’agglomération grenobloise) dans un contexte de forte croissance démographique qui génère d'importants besoins de structuration de l’espace urbain.

1973 

L’AUAG devient AURG, Agence d’urbanisme de la région grenobloise. Elle réalise le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (Sdau) pour 115 communes de la région grenobloise dans une période caractérisée par l’essor des politiques d’aménagement du territoire.

1980 

Le ralentissement de la croissance urbaine entre 1975 et 1982, la transformation du tissu économique, l’évolution des modes de vie qui rend les ménages plus mobiles et surtout, la décentralisation, conduisent à une remise en cause de l’aménagement du territoire et à un bouleversement des pratiques. Les années 1982-1986 vont renouveler le paysage institutionnel et entraîner un transfert de compétences. 

1990 

Les années 90 appellent une nouvelle fois au renouveau des politiques d’aménagement du territoire avec la promulgation de deux lois cadres : la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (LOADT) du 4 février 1995, qui devient loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire le 25 juin 1999 (LOADDT). L’organisation et les missions des agences évoluent avec le développement des EPCI.

2000 

Dans la continuité des lois Voynet et Chevènement de 1999, la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU) du 13 décembre 2000 fait évoluer le cadre juridique des politiques d’aménagement en conciliant les questions d’urbanisme, d’habitat et de déplacement. Elle rénove en profondeur le code de l’urbanisme et promulgue la mise en cohérence des politiques publiques à travers les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d’urbanisme (PLU). L’Agence conduit l’élaboration du schéma directeur de la région grenobloise (157 communes, 623 000 habitants) signé le 12 juillet 2000. 

Alors que les documents d’urbanisme sont élaborés pour une période d’environ 10 à 15 ans, les lois se succèdent et évoluent à un rythme particulièrement intense ces quinze dernières années. 

Depuis 1982, trois actes de décentralisation se sont succédés : l’Acte I de 1982 à 2002, l’Acte II de 2003 à 2010 et l’Acte III, appelé également « Acte I de la modernisation de l’Action publique » (MAP) de 2011 à 2015.

2010

La loi ENE « portant engagement national pour l’environnement » du 12 juillet (Grenelle II) met en application les dispositions de la loi d’orientation Grenelle I avec 187 articles couvrant tous les thèmes (urbanisme, bâtiments, transports, énergie et climat, biodiversité, risques, santé, déchets, gouvernance…). Avec la loi de réforme des collectivités territoriales (RCT) du 16 décembre 2010, dans un contexte de récession économique, elles nécessitent une forte mobilisation de l'Agence pour répondre aux attentes des territoires et aux besoins de coopération à l’échelle inter territoriale.

2014 / 2015 

2014 et 2015 ouvrent de nombreux changements tant réglementaires et institutionnels, créant un contexte complexe pour l'Agence et les territoires : renouvellement du paysage politique, recomposition des périmètres territoriaux (réflexion sur le pôle métropolitain, création de la Métropole), rythme législatif effréné.

Avec la loi du 27 janvier relative à la modernisation de l’Action publique et à l’affirmation des métropoles, dite loi « MAPAM » et celle du 7 août 2015 sur la nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe », l’État finalise sa grande réforme des territoires. L’Acte III qui est également, et surtout, le premier volet de la modernisation de l’Action publique de l’État, fait entrer ce dernier, ainsi que les collectivités, les EPCI et les citoyens dans une nouvelle ère institutionnelle et financière.

> la loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles (Maptam) précise le statut de métropole. La transformation de la communauté d’agglomération grenobloise en métropole au 1er janvier 2015 est une évolution majeure. 

> La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové dite loi Alur est promulguée le 24 mars. Elle s'inscrit dans un programme gouvernemental plus large en matière de construction, de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et de transition écologique. 

> Enfin, le premier volet de la réforme territoriale (acte III de la décentralisation), adopté par l’Assemblée nationale le 25 novembre 2014, a notamment proposé une nouvelle carte à 13 régions (fusion des régions Auvergne et Rhône-Alpes).

L’été 2015 connaît une moisson de textes aussi importants que les lois NOTRe et relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Leurs retombées sur le contenu du code de l’urbanisme sont peu conséquentes, mais impactent néanmoins divers champs d’intervention de l’Agence.

> La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a été promulguée le 7 août.  3e étape de la réforme des territoires, elle se traduit notamment par le renforcement des Régions en matière d’aménagement du territoire, de développement économique et de mobilité, tandis que l’action du Département sera centrée sur la solidarité sociale et territoriale. Elle prévoit, entre autres, la création d’un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET) qui se substitue aux divers schémas existants. Elle fixe également le seuil démographique de constitution des EPCI à fiscalité propre à 15 000 habitants (un seuil qui peut être adapté dans les EPCI faiblement peuplés et situés en zone de montagne). La loi NOTRe prévoit enfin l’élaboration et la mise en œuvre de nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI) au 1er janvier 2017. Un nouveau visage se dessine pour l’intercommunalité en région Auvergne-Rhône-Alpes qui passe de 293 EPCI en 2016 à 175 en 2015 (-40 %).

> La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV) est promulguée le 17 août. Elle impacte également le contenu des documents d’urbanisme.

> La recodification du code de l’urbanisme (décret du 28 décembre) vise à moderniser le contenu des PLUi, à assouplir les règlements, à favoriser l’urbanisme qualitatif et à faciliter "l’urbanisme de projet".

L’arsenal législatif et réglementaire qui accompagne la réforme territoriale vient révolutionner la planification, qui se trouve réaffirmée au cœur de nos métiers.

2018 

> Le plan biodiversité présenté par le gouvernement le 4 juillet forme l’objectif ambitieux et inédit de « zéro artificialisation nette » (ZAN). Un rapport détaillé sera rendu en juillet 2019 par France stratégie pour permettre au nouveau groupe de travail installé par le gouvernement d’élaborer sa feuille de route.

> La loi évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) estpromulguée le 23 novembre, avec pour ambition de faciliter la construction de nouveaux logements et de protéger les plus fragiles. 

2019 

> La loi portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est adoptée par le Parlement le 9 juillet. L’ANCT fusionne au 1er janvier 2020 le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET),  l’Agence du numérique et l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux (Epareca).

>La loi d'orientation des mobilités (Loi LOM) du 24 décembre réforme en profondeur le cadre général des politiques de mobilités, en intégrant les enjeux environnementaux